L’inclusion des LGBT+ au travail est-elle devenue un enjeu pour les entreprises ?

« C’est au choix de chacun. Chaque LGBT+ a le droit de le dire ou non », lance Eric Barbier du haut de ses 59 ans. En trente ans, dans la même entreprise, il a pu observer au cœur de la machine, l’évolution de la place des LGBT+ dans le monde du travail. Si aujourd’hui, 71 % des Français considèrent que l’entreprise doit tout faire pour favoriser l’inclusion des LGBT+ dans leur univers professionnel contre 66 % en 2022 selon une enquête menée par Ipsos auprès de 1.000 actifs français pour l’Autre Cercle* à l’occasion de la journée internationale du coming-out, le combat continue. 

« Après le coming out personnel, il y a celui au travail. Personne n’est obligé de le faire mais on doit être en mesure de se sentir en sécurité et serein dans son travail. Ce n’est pas de la propagande mais seulement d’être soi-même en entreprise au même titre que ses collègues », explique l’ancien contrôleur de gestion dans un grand groupe de téléphonie en Occitanie.

Ce dernier s’est adapté au fur et à mesure de la société. Il y a trente ans, il ne s’est pas senti d’officialiser son homosexualité. Avec l’arrivée du Pacs (1999) et du Mariage pour tous (2013), les choses se sont simplifiées. « Petit à petit ça s’est fait naturellement. Il y a quelques années durant un entretien d’embauche, j’ai fini par clairement le dire et ça s’est fait sans problème », ajoute l’ancien salarié en pré-retraite. Pourtant, l’inclusion n’est pas toujours  la norme. « On a encore pas mal de LGBT+ cachés qui n’osent pas être visibles au travail. Cela a un impact direct sur leur travail. Quand vous passez du temps au travail en vous cachant, cela vous prend de l’énergie et cela vous handicap forcément. C’est l’intérêt d’avoir des rôles modèles pour normaliser ces questions », ajoute Nicolas Roudergues, co-président de L’Autre Cercle Occitanie-Pyrénées, l’association française de référence pour l’inclusion des LGBT+ au travail.

« J’ai vraiment vu la différence de générations »

Et pour ceux qui s’assument ? « Ils ont fait des commentaires car ils étaient étonnés que je sois aussi à l’aise d’affirmer que j’étais lesbienne… Je n’ai pas eu de commentaires méchants ou que je caractériserais d’homophobes mais c’était des vannes reloues en afterwork. C’était dérangeant. J’ai vraiment vu la différence de génération. Si je suis gay, c’est ma vie, je ne demande à personne de la commenter », assène Léa*, 26 ans, qui a par la suite quitté sa boîte de communication, se sentant mal à l’aise avec ses collègues.

« Dans les petites entreprises, on est encore à la traîne sur ces questions-là », commente le représentant de l’Autre Cercle. « Les lesbiennes exacerbent des fantasmes chez certains LBGTphobes et anciennes générations. Qui plus est, ce sont des femmes… Elles subissent, de base, davantage de harcèlements. Il ne faut plus laisser passer ça », ajoute Eric Barbier. Lui a su analyser dans quelles équipes  il pouvait être à l’aise ou non. « En tant qu’homme, j’ai aussi rapidement mis un terme à ces réflexions dérangeantes. »

Par ailleurs, selon l’enquête d’Ipsos, 70 % des Français se déclarent en faveur de la mise en place d’un dispositif d’alerte en cas de discrimination ou de harcèlement, et 62 % pour des sanctions en cas de LGBTphobie et de campagne de sensibilisation en direction des salariés. Seuls un tiers des actifs (35 %) ont effectivement constaté la mise en place d’un dispositif d’alerte de discrimination ou de harcèlement, et moins de trois sur dix peuvent confirmer l’existence de sanctions.

Se sentir en confiance à son travail

Le but, finalement, de cette inclusion est de permettre, à chacun, qu’il soit homosexuel, lesbienne, bi, ou encore trans de pouvoir assumer, s’il le souhaite, sa vie privée et d’être soi-même dans un lieu où il passe le plus clair de son temps. Autour d’un café en racontant son week-end, pendant les potins à la cantine et même sur les inscriptions à la mutuelle. « C’est important d’être à l’aise en groupe tout simplement », ajoute Eric Barbier.  « Surtout, le choix de sa sexualité ou de son genre n’a aucun impact sur la qualité de travail du salarié », développe Nicolas Roudergues.

Le genre, justement, est une question fondamentale dans l’inclusion des LGBT+ en entreprise. « En transition, le salarié, s’il veut être accompagné par son entreprise et rester à son poste doit être contraint de faire son coming out à la différence des homosexuelles et lesbiennes. Il ne peut pas se cacher, comme d’autres le font. Il est important que la hiérarchie, les RH et les managers soient formés à tout cela. C’est l’intérêt de L’Autre Cercle », ajoute le cinquantenaire.

Actuellement, aucune formation n’est donnée durant le cursus RH comme en témoigne Morgane Iturria, en master à Toulouse. « La question n’est pas abordée… Seulement sur l’inclusion des personnes en situation de handicap ». C’est à ce moment-là donc que L’Autre Cercle intervient directement dans les entreprises : pour leur apprendre et leur faire comprendre.

Les entreprises LGBTfriendly soucieuses de leur image ?

Si ce sujet est devenu prioritaire ou important pour six actifs sur dix, un tiers seulement des répondants pense que leur entreprise est devenue LGBTfriendly au cours de ces cinq dernières années. Et près de deux tiers (62 %) estiment que les entreprises engagées agissent principalement dans un souci de réputation.

« On constate que de plus en plus de grosses entreprises soucieuses de leur réputation travaillent sur ces questions. Dans les petites structures c’est moins souvent le cas. C’est comme pour l’environnement, c’est pour eux, le moyen, de retenir des talents et surtout de faire du business », décrypte le co-président de L’Autre Cercle Occitanie-Pyrénées. Des motivations dicutables, mais qui permettent à la cause LGBT+ d’avancer.

* Etude sur l’inclusion des LGBT+ au travail et l’importance pour les organisations d’avoir des rôles modèles

*Le prénom a été modifié.

 

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